
CATL, le champion chinois des batteries porté par un patron audacieux

Le géant chinois des batteries CATL, introduit en bourse mardi à Hong Kong, incarne une réussite portée par un fondateur audacieux et ambitieux, devant composer avec les rivalités technologiques et géopolitiques entre grandes puissances.
Le groupe CATL, déjà côté sur la place financière de Shenzhen, a levé plus de 4,6 milliards de dollars lors de son entrée à la Bourse à Hong Kong mardi.
Il s'agit jusqu'à présent de la plus importante introduction en Bourse au monde cette année.
L'entreprise, basée à Ningde (est), a produit plus d'un tiers des batteries électriques utilisées dans les véhicules électriques en 2023, et collabore avec les plus grands constructeurs automobiles tels que Tesla, Mercedes-Benz, BMW ou encore Volkswagen.
Ses batteries sont parmi les plus rapides au monde en matière de recharge, le nerf de la guerre du secteur des voitures électriques: sa batterie Shenxing deuxième génération, dévoilée cette année, permet de rouler 520 kilomètres après seulement cinq minutes de charge, y compris à très basse température, affirme CATL.
C'est 30% de plus que la plateforme Super-e de son principal concurrent BYD, qui revendique environ 400 kilomètres d'autonomie pour la même durée de charge.
Ses batteries bon marché et ultra-rapides ont également porté l'essor fulgurant du marché chinois des véhicules électriques, aujourd'hui le plus grand au monde.
- "Roi des batteries" -
Le milliardaire Robin Zeng, fondateur et directeur général de CATL — surnommé un temps le "roi des batteries" en Chine — est aujourd'hui la cinquième fortune du pays et la 45e mondiale, selon Bloomberg.
Son parcours est une ascension "classique, de la misère à la richesse", qui a fait passer sa ville natale, Ningde, d'une "ville de province à un centre mondial des batteries", écrit l'auteur et investisseur technologique Kevin Xu sur son blog Interconnected.
Mais la firme se trouve prise en étau dans la rivalité technologique entre les États-Unis et la Chine.
Les deux plus grandes puissances mondiales se disputent la maîtrise des technologies de pointe essentielles au fonctionnement de l'économie moderne, comme les batteries, les semi-conducteurs ou encore l'intelligence artificielle (IA).
L'an dernier, un projet de partenariat entre CATL et le constructeur automobile Ford pour une usine de 3,5 milliards de dollars à Marshall (Michigan), aux Etats-Unis, a ainsi soulevé des inquiétudes en matière de sécurité nationale.
Et en janvier, le département américain de la Défense a inscrit CATL sur une liste d'entreprises considérées comme liées à l'armée chinoise - une décision dénoncée par le groupe et par Pékin.
- "Prospérer sous pression" -
Les fonds levés lors de l'introduction en Bourse de mardi pourraient servir à accélérer les projets d'expansion internationale du groupe — en particulier en Europe.
CATL construit actuellement sa deuxième usine sur le continent, en Hongrie, après avoir ouvert une première en Allemagne en janvier 2023.
En décembre, l'entreprise a également annoncé un partenariat avec le constructeur Stellantis pour produire des batteries de véhicules électriques en Espagne, avec un début de production attendu en fin 2026.
Et CATL a même investi plus en amont de la chaîne de valeur, comme en Bolivie ou en République démocratique du Congo, où elle a acheté en 2021 des parts dans une mine détenue par un des plus grands producteurs mondiaux de cobalt.
CATL anticipe également l'avenir: le mois dernier, elle a dévoilé une batterie au sodium, présentée comme une alternative moins chère et plus sûre aux batteries lithium-ion, largement utilisées actuellement mais susceptibles de prendre feu en cas de dommage.
"CATL est devenue ce qu'elle est grâce à l'aide du gouvernement, mais pas au point de sombrer dans la paresse", écrit l'investisseur Kevin Xu.
L'entreprise est dirigée par quelqu'un "aussi génial qu'intrépide (...), suffisament lucide pour décrypter les signaux politiques de Pékin, et suffisament paranoïaque pour prospérer sous pression".
S. Soares--JDB