
Après la fermeture de centaines de clubs, le Royaume-Uni veut retrouver le sens de la fête

La fin de la fête a-t-elle sonné ? Le Royaume-Uni tente d'enrayer le déclin de sa vie nocturne, mise à mal par le Covid et l'inflation, qui oblige aussi les clubs à se réinventer pour attirer sur la piste une nouvelle génération.
Mi-juillet, le Pryzm Kingston, une discothèque du sud-ouest de Londres prisée des étudiants, où se sont produits Billie Eilish, Rod Stewart et Stormzy, a fermé ses portes.
Selon ses propriétaires, il était temps de "se tourner vers l'avenir et réimaginer ce site", niché dans un ancien cinéma, "pour la prochaine génération de fêtards".
Il renaîtra sous la forme d'un club à taille réduite et d'un bar dansant, des lieux plus "haut de gamme" qui "reflètent ce que les gens cherchent aujourd'hui".
Depuis 2020, près d'un tiers des clubs britanniques a baissé le rideau, soit environ 400 établissements, indique l'organisation du secteur, Night Time Industries Association (NTIA).
"Même s'ils connaissaient un léger déclin avant la pandémie, celle-ci a fortement accéléré les choses", indique à l'AFP Tony Rigg, consultant dans l'industrie musicale. Avant que la crise du coût de la vie ne fasse exploser les factures et loyers des discothèques - comme ceux de leurs clients.
Rencontré à l'heure des premières pintes dans le centre de Londres, en début de soirée, Conor Nugent, chargé de clientèle de 26 ans, dit n'aller en boîte que pour les "occasions spéciales", après s'être demandé "si ça vaut vraiment le coup".
Ce Londonien a réduit ses sorties pour des raisons financières - comme 68% des 18-30 ans, indique la NTIA -, et préfère se réserver pour "des concerts ou des événements".
Comme le souligne Tony Rigg, le Covid-19 a entraîné un "changement de culture" chez les jeunes de la "Gen Z", nés entre 1997 et 2012, qui consomment généralement moins d'alcool et n'ont pas toujours "vécu le rite de passage consistant à découvrir les clubs".
- L'exemple de Paris -
Invoquant toutes ces raisons, la société Rekom UK, propriétaire des emblématiques discothèques Pryzm et Atik, a déposé le bilan en 2024, fermant 17 établissements dans le pays.
Une vingtaine d'autres, dont le Pryzm Kingston, ont été repris par Neos Hospitality, qui a décidé d'en transformer certains en bars dansants ou d'organiser des événements sans alcool. "Le secteur doit évoluer, ou il deviendra obsolète", reconnaît Tony Rigg.
Pour mettre fin à l'hémorragie de fêtards vers Berlin ou Paris, le maire de la capitale Sadiq Khan a lancé un groupe de travail indépendant baptisé "Nightlife Taskforce", qui doit publier un rapport à l'automne.
"Notre vie nocturne est l'une des raisons pour lesquelles les gens aiment Londres", souligne M. Khan auprès l'AFP, se disant "jaloux des pouvoirs que possèdent les maires de Paris, New York ou Tokyo", et particulièrement "envieux" de la capitale française, qui connaît un renouveau de sa nuit.
Pour redynamiser celle de Londres, l'édile a reçu en mars la permission d'annuler certaines décisions d'autorités locales obligeant pubs, restaurants, salles de concert et boîtes de nuit à fermer tôt.
Le gouvernement a de son côté annoncé vouloir modifier les règles en vigueur pour favoriser l'activité des établissements nocturnes dans certaines zones.
"Nous avons tendance à trop insister sur les risques et la sécurité, sans prendre en compte les bénéfices pour la culture, l'économie et la vie locale", souligne Michael Kill, président de la NTIA, qui plaide pour une meilleure reconnaissance de la musique électronique et de la culture club.
"Nous sommes toujours confrontés à des problèmes de réputation", dit-il à l'AFP, alors que cette industrie est "un moteur économique" rapportant 153 milliards de livres par an (176 milliards d'euros).
Malgré tout, Carys Bromley, fraîchement arrivée de l'île de Guernesey, trouve que Londres reste "une ville très excitante": "Il y a tellement de fêtes, de clubs (...) les lieux restent ouvert tard, c'est vivant, un peu fou aussi", s'enthousiasme la jeune femme de 25 ans.
L.M. Cardoso--JDB