
Quand la Terre était gelée, la vie aurait trouvé refuge dans des mares

Des mares de glace fondue en Antarctique abritent des micro-organismes d'une étonnante diversité, ce qui pourrait expliquer où la vie s'est réfugiée quand la Terre était entièrement gelée, selon une étude jeudi dans Nature Communications.
Notre planète n'a pas toujours était bleue et hospitalière. Au cours de sa longue histoire, elle a connu plusieurs périodes glaciaires durant lesquelles elle s'est transformée en véritable "boule de neige".
Notamment durant le Cryogénien, entre 720 et 635 millions d'années avant notre ère, lorsque la température moyenne globale ne dépassait pas -50°C et que le climat de l'équateur ressemblait à celui de l'Antarctique actuelle.
Des conditions extrêmes qui n'ont pourtant pas empêché l'évolution de poursuivre son chemin. "Nous avons des preuves de l'existence" de formes de vie complexes "avant et après le Cryogénien dans les archives fossiles", explique à l'AFP l'autrice principale de l'étude Fatima Husain, doctorante au département des sciences de la Terre, de l'atmosphère et des planètes (EAPS) du MIT (États-Unis).
"Il existe plusieurs hypothèses concernant les lieux possibles où la vie aurait pu persister", poursuit-elle. Dans certaines zones océaniques qui seraient restées libres de glace, près de sources hydrothermales dans les grands fonds marins, sous de fines couches de glace...
Un de ces refuges pourrait avoir été de simples mares de glace fondue dans les régions équatoriales.
Celles-ci auraient pu former de véritables "oasis" aux eucaryotes, des organismes complexes qui ont évolué pour aboutir à toutes les formes de vie multicellulaires que nous connaissons aujourd'hui.
- Vie extra-terrestre -
De telles mares existent aujourd'hui en Antarctique, aux marges de calottes glaciaires.
À ces endroits, l'eau gèle jusqu'au fond marin, piégeant au passage des sédiments foncés et des organismes marins. Au fil du temps, l'érosion provoquée par le vent fait remonter ces débris à la surface.
Une fois exposés, ils absorbent la chaleur du soleil, ce qui fait fondre la glace, formant des mares peu profondes d'eau de fonte.
En 2018, des membres néo-zélandais de l'équipe de chercheurs se sont rendus dans une région de la plateforme de glace de McMurdo, en Antarctique de l'Est, connue pour abriter de petites mares, ne mesurant que quelques décimètres de profondeur et quelques mètres de large.
Leur fond est tapissé de microbes qui s'y sont accumulés au fil des années pour former des couches visqueuses.
Elles "peuvent faire quelques centimètres d'épaisseur, être colorées, et présenter des strates très nettes", explique Mme Husain.
Elles sont composées de cyanobactéries, des organismes unicellulaires photosynthétiques, dépourvus de noyau, connus pour être capables de survivre dans des environnements extrêmes.
Mais les chercheurs ont y ont aussi trouvé des marqueurs associés à des eucaryotes, comme des algues ou des animaux microscopiques, témoignant d'une surprenante biodiversité, qui semble influencée par les différences de salinité entre les mares.
"Aucune mare ne se ressemblait", raconte Mme Husain. "Nous avons trouvé des assemblages diversifiés d'eucaryotes issus de tous les grands groupes dans toutes les mares étudiées", poursuit-elle.
Cela démontre que "ces environnements uniques sont capables d’abriter des assemblages diversifiés de formes de vie, même à très faible distance les uns des autres", souligne la chercheuse, selon qui ces découvertes ont aussi des implications sur la recherche de vie-extraterrestre.
"L'étude de la vie dans ces environnements particuliers sur Terre peut aider à mieux comprendre les environnements potentiellement habitables sur des mondes glacés, y compris les lunes glacées de notre système solaire", comme Encelade ou Europe, dit-elle.
Y. Machado--JDB