
A Budapest, une marche des fiertés qui tourne au bras de fer avec Orban

Y aller ou pas? Un nombre record de participants est attendu samedi après-midi dans les rues de Budapest pour braver l'interdiction par la police hongroise de la marche des fiertés, une régression inédite des droits LGBT+ dans l'UE.
Plus de 35.000 personnes sont attendues au point de rassemblement à 14H00 heure locale (12H00 GMT) près de l'hôtel de ville de Budapest, une heure avant le départ du cortège.
Le dirigeant nationaliste Viktor Orban veut éviter les images de répression violentes: vendredi, il a écarté toute intervention des forces de l'ordre, tout en menaçant les gays, lesbiennes et transgenres de conséquences légales a posteriori.
Car dans toute l'Europe, les yeux seront braqués sur ce pays de 9,6 millions d'habitants qui s'est attiré les foudres de la Commission européenne avec cette mesure.
La Commissaire à l'égalité Hadja Lahbib a fait le déplacement vendredi à Budapest, estimant qu'il était de son "devoir" de soutenir les personnes LGBT+ après ce bannissement, qui rappelle ceux de Moscou en 2006 et d'Istanbul en 2015.
Elle s'est affichée aux côtés des organisateurs et du maire écologiste de Budapest Gergely Karacsony, qui a décidé de maintenir la Pride, estimant qu'un tel événement municipal ne nécessitait pas d'autorisation officielle.
- Caméras installées -
Slovaquie, Roumanie, Bulgarie... La présidente de la Pride, Viktoria Radvanyi, craint un effet domino dans d'autres pays de la région, où les droits de la communauté LGBT+ restent fragiles.
"Cette année, la Budapest Pride n'est pas seulement une fête, c'est une prise de position internationale forte", estime-t-elle.
Après le soutien affiché par 33 pays au rassemblement, le ministre de la Justice a prévenu les diplomates en poste à Budapest que s'ils participaient à cet événement interdit, ils devraient en assumer les conséquences. Au moins 70 eurodéputés ont annoncé leur présence.
Des caméras ont été installées le long du parcours et la reconnaissance faciale pourrait permettre aux autorités de distribuer des amendes pouvant aller jusqu'à 500 euros, tandis qu'organiser ou appeler à y participer est passible d'un an de prison.
Cette procédure est faite pour "intimider les gens", selon l'analyste politique Daniel Mikecz, alors que sur un plan juridique, l'interdiction viole les traités européens signés par la Hongrie lors de son adhésion à l'UE en 2004.
Selon le gouvernement, il ne faut pas exposer les mineurs à l'homosexualité et à la transidentité, et encore moins à des scènes de "débauche".
Outre la loi adoptée mi-mars visant à bannir de tels rassemblements, il est allé jusqu'à modifier la Constitution pour assurer ses arrières. Il y affirme l'intérêt supérieur de l'enfant pour justifier sa remise en cause de la liberté de manifester.
- "Polariser la société" -
Et comme des contre-manifestants d'extrême droite ont eux obtenu l'autorisation de défiler au même endroit, il a fallu adapter cette 30e édition, entre conseils de sécurité, formation aux questions juridiques et aide de dizaines d'ONG.
Encouragé par l'offensive de Donald Trump contre les programmes de promotion de la diversité, "Viktor Orban utilise avant les législatives de l'an prochain une recette éprouvée en générant un conflit", avance M. Mikecz. "Polariser la société sur les questions migratoires a bien fonctionné" par le passé, rappelle-t-il.
Ce mois-ci, une enquête Ipsos dans 26 pays a démontré que seulement 30% des répondants hongrois soutiennent l'idée que les personnes LGBT+ puissent assumer leur orientation sexuelle ou leur identité de genre en toute circonstance.
Pourtant, avant le retour au pouvoir de Viktor Orban en 2010, la Hongrie était l'un des pays les plus progressistes de la région: l'homosexualité y avait été dépénalisée dès le début des années 1960 et l'union civile entre conjoints de même sexe reconnue dès 1996.
Mais le chef de gouvernement, chantre de "l'illibéralisme", a petit à petit changé la donne.
Les marches des fiertés sont organisées par des associations souvent en juin, en lien avec les émeutes de Stonewall, mobilisation fondatrice du mouvement LGBT+, qui a eu lieu dans la nuit du 27 au 28 juin 1969, à New York, après une descente de police dans un bar gay. Un cortège arc-en-ciel traversera aussi Paris samedi.
L. Rodrigues--JDB