
Présidentielle roumaine : Nicusor Dan, un mathématicien qui vise au-delà de Bucarest

Brillant mathématicien, Nicusor Dan, candidat à la présidentielle dimanche en Roumanie, a bâti sa notoriété en luttant contre la corruption à Bucarest. Une recette que le discret maire pro-européen de la capitale veut désormais appliquer à son pays.
Il lui faudra tout d'abord résoudre une équation complexe : comment rattraper le retard de 20 points enregistré au premier tour sur son adversaire, le nationaliste George Simion ?
A 55 ans, Nicusor Dan a décidé de se lancer dans la course après "le choc" du 24 novembre, quand l'élection a été dominée par une figure d'extrême droite que personne n'attendait puis annulée sur fond de soupçons d'ingérence russe.
Il s'est vu en homme providentiel après avoir constaté que l'ascension de l'extrême droite était en grande partie due au rejet d'une classe politique "corrompue" et "arrogante", aux manettes depuis la fin du communisme en 1989.
C'est donc avec son thème favori qu'il est parti au combat, "l'honnêteté", se présentant en homme du "changement".
- Du militantisme à la politique -
"Cela ne peut pas continuer ainsi, nous voulons du changement", disait-il la semaine dernière à ses supporters. "Il nous reste encore un petit pas à faire pour que nous disposions enfin d'autorités capables de bâtir ensemble la Roumanie dont nous rêvons".
L'homme du changement sauf en politique étrangère : son soutien à Kiev est infaillible, son engagement européen aussi. Une carte qu'il a mis en avant pour l'emporter face à "l'isolationniste" George Simion.
Né le 20 décembre 1969 à Fagaras, en Transylvanie (centre), où il votera dimanche, Nicusor Dan est un petit prodige des maths.
Vainqueur à deux reprises des Olympiades internationales, il part étudier dans les années 1990 en France, d'abord à Normale Sup puis à la Sorbonne où il décroche un doctorat.
De retour en Roumanie, ce chercheur et professeur à l'université se tourne vers l'activisme civique, militant contre le développement urbain illégal et pour la préservation des bâtiments historiques.
A la tête de son association "Sauvez Bucarest", il remporte des dizaines de procès et se fait connaître du grand public.
Ce qui lui donne des envies de politique, même si cette carrière l'accapare aujourd'hui trop au goût de sa fille, raconte à l'AFP ce père de deux enfants.
- Naturel réservé -
Il fonde un parti réformateur devenu USR en 2016 mais le quitte sur un désaccord car il préfère ne pas prendre position en ce qui concerne les sujets LGBT+, dans un contexte d'hostilité en Europe centrale et orientale.
Après deux tentatives infructueuses, Nicusor Dan accède en 2020 à la mairie de Bucarest avant d'être facilement réélu quatre ans plus tard.
Il se vante d'avoir modernisé le système de chauffage et les installations sportives, tout en sauvant la ville de la faillite.
Ses détracteurs lui reprochent son manque d'aplomb, des vidéos TikTok raillant ses propos hésitants. S'il reconnaît ne pas être "un grand communicateur", il dit avoir fait des progrès au fil des ans.
"Il est davantage dans un registre de gestionnaire mais c'est vraiment un type honnête" qui maintiendra la Roumanie sur "le droit chemin", estime le politologue Sorin Cucerai, même si sa faible popularité dans les campagnes pourrait lui coûter l'élection.
Tout heureux à l'annonce de sa qualification, qu'il a arrachée avec 21% des voix, ce candidat indépendant s'est depuis montré combatif et a occupé l'espace médiatique tandis que son adversaire laissait souvent sa chaise vide.
Comme pour effacer l'image d'intellectuel réservé qui lui colle à la peau.
L. de Freitas--JDB