
Sidérurgie, métallurgie: Triste rentrée en France

Inquiétudes sur les investissements d'ArcelorMittal à Dunkerque, craintes sur la pérennité de Novasco (ex-Ascometal) en redressement judiciaire: la rentrée de l'acier s'annonce tendue en France, alors que l'avenir de l'industrie sidérurgique et métallurgique est "sérieusement menacé" en Europe, prise en étau entre la Chine et les Etats-Unis.
Jeudi 4 septembre, une "marche citoyenne" est prévue à Hagondange en Moselle (est), pour dénoncer la situation de l'aciériste Novasco (ex-Ascometal), mis en redressement judiciaire cet été, pour la quatrième fois depuis 2014.
Le lendemain, le 5 septembre, est la date limite de remise des offres de reprise devant le tribunal de Commerce de Strasbourg, pour Novasco qui emploie quelque 760 salariés en Lorraine, dans la Loire et dans le Nord, près de Dunkerque.
"Mais il n'y a pas en ce moment d'acteur capable de reprendre des activités de production d'acier surcapacitaire en Europe, les prix de l'acier sont trop bas et l'outil de travail d'Hagondange a besoin de trop d'investissements pour être rentable", confie à l'AFP une source industrielle proche du dossier qui requiert l'anonymat.
Paradoxe cruel pour l'objectif de transition énergétique et de décarbonation industrielle affiché par l'Europe: L'usine Novasco d'Hagondange, menacée de liquidation, est dotée d'un four électrique permettant de recycler des vieilles ferrailles, et donc de produire de l'acier moins émetteur de CO2 que l'acier issu des hauts fourneaux utilisant minerai de fer et charbon.
- "Plus personne ne veut investir" -
"Je n'ai jamais vu une rentrée comme ça. Même mon père, qui a travaillé dans la sidérurgie toute sa vie, n'a jamais connu cette situation. L'ensemble des boîtes sont touchées, plus personne ne veut investir dans l'acier en Europe", déclare à l'AFP Gaëtan Lecocq, secrétaire-général de la CGT chez ArcelorMittal, également en grande incertitude sur son avenir en France.
Pour essayer de maintenir l'acier européen à flot, après moult réunions, la France et 10 Etats membres (Autriche, Belgique, Bulgarie, Espagne, Grèce, Italie, Luxembourg, Pologne, Roumanie et Slovaquie) ont appelé le 28 juillet l'Union Européenne à mettre en place "dans les meilleurs délais" un cadre de protection commerciale de la sidérurgie européenne.
La production européenne d'acier "est aujourd'hui sérieusement menacée", indique la lettre commune de ces dix pays.
D'une part, "par la persistance, voire le développement, de surcapacités mondiales de production, dont l'effet baissier sur les prix devient insoutenable pour les producteurs européens, et, d'autre part, par la déstabilisation récente du cadre multilatéral des échanges commerciaux".
En clair, l'acier européen est menacé par la concurrence de l'acier subventionné à bas prix en provenance de Chine et par les droits de douane imposés par l'Amérique de Donald Trump.
ArcelorMittal précise que "les droits de douane américains perturbent le marché mondial de l'acier car ils contribuent à réorienter vers l'Europe les flux d'acier produits dans le monde qui étaient autrefois livrés aux Etats-Unis."
Le deuxième producteur mondial d'acier, qui a suspendu ses projets d'investissement de décarbonation du plus grand haut fourneau européen à Dunkerque (pour 1,8 milliard d'euros), attend lui aussi de l'Europe des mesures urgentes pour pouvoir confirmer ses investissements.
Il demande une limitation du volume des importations et une protection de la production européenne et de ses exportations, via la mise en place d'un mécanisme carbone aux frontières (MACF) efficace.
En attendant, le groupe a déjà annoncé la suppression de quelque 600 postes dans sept sites du nord de la France. Sous la pression médiatique et politique, il a finalement annoncé au printemps un investissement pour créer un four électrique à Dunkerque.
Mais le responsable CGT n'y croit pas. "Ce qui a été annoncé, un four pour traiter 1,5 million de tonnes d'acier est impossible techniquement" affirme-t-il. "C'est pour amuser la galerie et faire croire aux politiques locaux qu'ils vont faire quelque chose, alors que ce que l'on risque c'est qu'il n'y ait plus aucun site ArcelorMittal en France en 2029" dit Gaëtan Lecocq. "La rentrée va être mouvementée".
M.A. Pereira--JDB