
En Indonésie, un concours de culturisme pour sauver les producteurs de tuiles

Dans des poses dignes de Mister Univers, des ouvriers exhibent leurs muscles devant la foule, soulevant non pas de la fonte mais tuiles empilées. Ce concours de culturisme d'un genre unique se tient en Indonésie pour défendre une activité artisanale en déclin.
Cela fait dix ans que des dizaines d'hommes de Jatiwangi posent chaque année, le corps huilé, pour attirer l'attention sur une production qui fait depuis plus d'un siècle la réputation de cette ville située à quelque 200 kilomètres de la capitale Jakarta.
"Depuis 1905, Jatiwangi fabrique des tuiles. Mais avec le temps, cette activité a commencé à disparaître", explique Illa Syukrillah Syarief, un ouvrier de 48 ans qui participe à l'organisation de la compétition.
"Nous avons donc le sentiment d'être là non seulement pour raconter l'histoire des tuiles, mais aussi pour les sauver, pour préserver la culture de la tuile de Jatiwangi", poursuit-il.
Les ouvriers utilisent de l'argile ou de la terre locale pour fabriquer leurs tuiles.
L'activité est menacée par le désintérêt des jeunes générations pour les métiers manuels et par la concurrence de l'industrie, qui affecte les revenus des artisans locaux.
"Nous nous battons dans une situation peu favorable", explique Illa Syukrillah Syarief. "Nous avons perdu des ouvriers et la demande n'est plus ce qu'elle était", ajoute le quadragénaire.
La compétition rassemble des ouvriers de tous âges. Torse nu, ils posent devant un public composé de femmes en hijab et de juges.
A la clé pour les gagnants: 1,5 million de roupies (environ 79 euros) offerts par les fabriques employant les compétiteurs. Pour l'instant, aucun sponsor n'a encore parrainé l'événement.
- Acrobaties -
Ika, un participant qui, comme beaucoup d'Indonésiens, ne porte qu'un seul nom, qualifie le spectacle "d'unique".
Pour lui, le concours met en valeur "un style de culturisme particulier" ancré dans la culture indonésienne.
"C'était incroyable de voir les concurrents et leur style, et toutes les choses qu'ils peuvent faire avec leurs mains, voire leur bouche, en portant des tuiles", témoigne la juge étrangère Alessa Cargnell, impressionnée.
Les tuiles de couleur ocre ont une forme incurvée qui leur permet de s'emboîter, facilitant ainsi leur empilement pour les poses.
Un homme a même tenu une tuile entre chaque doigt et une autre dans sa bouche, tout en se tenant sur une jambe, au son d'une musique traditionnelle remixée souvent entendue sur les vidéos TikTok populaires en Indonésie.
Mais la force de ces ouvriers ne se limite pas à ce spectacle, relève Illa Syukrillah Syarief: "Nous espérons que les tuiles, ou le travail de la terre à Jatiwangi, ne seront pas seulement une marchandise mais qu'elles deviendront véritablement une identité".
P. da Silva--JDB