
La BCE vers une pause estivale sur les taux, à l'affut des surtaxes américaines

La Banque centrale européenne (BCE) devrait maintenir ses taux d'intérêt inchangés jeudi et prendre le temps d'évaluer les développements de l'imprévisible offensive commerciale de Donald Trump qui menace les exportations européennes de surtaxes massives.
Un statu quo monétaire mettrait fin à une série de baisses de taux, depuis septembre dernier, lorsque la BCE avait décidé de diminuer progressivement le coût du crédit pour accompagner le recul de l'inflation.
Le rythme de la hausse des prix à la consommation s'est stabilisé autour de l'objectif de 2% fixé par la banque centrale, après avoir atteint des niveaux record dans le sillage de la pandémie de Covid-19 et de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie.
Mais ces conditions monétaires plus favorables semblent fragiles, alors que Donald Trump menace d'assommer les exportations européennes vers les États-Unis de droits de douane punitifs de 30% à partir du 1er août.
Comme Washington et la Commission européenne, qui négocie au nom des Vingt-Sept, sont toujours en pourparlers sur un éventuel accord commercial, les responsables de la BCE souhaitent "plus de clarté... avant d'envisager tout nouvel ajustement de la politique monétaire", selon les analystes d'UniCredit.
- Cartouches en réserve -
Une pause permettrait aux décideurs politiques de voir pendant l'été si Trump met sa menace à exécution.
Le renforcement des barrières commerciales risque de porter un nouveau coup à l'économie de la zone euro et d'inciter la BCE à envisager de nouvelles baisses de taux.
Après sept baisses consécutives et huit au total depuis juin dernier, la BCE a ramené son taux de dépôt, qui fait référence à 2%, contre un pic de 4% atteint en pleine vague inflationniste.
"Ni les données économiques ni les dernières données sur la dynamique des prix n'exigent une réaction immédiate" de l'institution de Francfort, selon Dirk Schumacher, économiste en chef de la banque publique allemande KfW.
L'inflation dans la zone euro s'est établie à exactement 2% en juin et les indicateurs économiques, notamment la hausse de la production industrielle, ont donné un regain d'optimisme quant à la santé de l'économie.
La BCE souhaiterait également "garder des cartouches en réserve en cas d'urgence" si Donald Trump venait à appliquer des droits de douane massifs, commente Felix Schmidt, analyste chez Berenberg.
L'influent directeur de la banque centrale allemande, Joachim Nagel, a clairement plaidé pour le statu quo en vue de "réévaluer" la situation lors de la réunion de septembre.
- Euro fort -
Outre une nouvelle escalade du conflit commercial, le renforcement de l'euro par rapport au dollar pourrait également inciter les gardiens de l'euro à reprendre après l'été l'assouplissement de la politique monétaire
La monnaie commune s’est sensiblement appréciée entre avril, lorsque Donald Trump a lancé la guerre commerciale, et fin juin, passant de 1,08 à 1,18 dollar pour un euro.
Pour les exportations, un euro fort rend les produits européens plus chers à l'étranger, donc moins compétitifs à la vente.
A l'inverse, cela fait baisser le coût des importations, notamment d'énergie, freinant encore davantage l'inflation. La BCE prévoit déjà que l'indicateur baissera à 1,6% en 2026 avant de revenir à son objectif en 2027.
Les marchés seront attentifs aux éventuels commentaires de la présidente de la BCE, Christine Lagarde, à Francfort à 14H45 (12H45 GMT), sur le cap de la politique monétaire.
Mme Lagarde avait prévenu en juin que la BCE était arrivée "à la fin d’un cycle de politique monétaire ", après avoir dû contrer les chocs successifs du Covid-19, de la guerre en Ukraine et de la crise énergétique, qui avaient alimenté la forte poussée inflationniste.
M. dos Santos--JDB